Joyeux Noël !!
Bonjour et Joyeux Noël à tous.
Pour nous la question du moment est “où sommes nous donc?”
Depuis hier soir, nous sommes totalement englués dans une ouate épaisse et humide, et il n’y a pas un soufle d’air. Le speedomètre indique 0.00 la plupart du temps et si l’anémomètre nous crache quelques chiffres érratiques, ils ne sont que le reflet des mouvemens violents en tête de mât, dus à la houle qui nous ballotte comme un hochet. Les voiles claquent, désespérément vides de vent, et tout le bateau est secoué comme un prunier. Il y a des grincements de partout, émis par les manoeuvres diverses qui se tendent brutalement sous l’effet des mouvements désordonnés du bateau. Si parfois nous avançons un peu sur le fond, c’est grâce à des courants venus de je ne sais où, et allant de temps à autre dans une direction qui nous convient plus ou moins. CAMPAGNE DE FRANCE est le jouet des flots. Nous devons être le cadeau de Noël à l’Océan, et comme un gosse pas sage il ne prend pas bien soin de nous.
Le “jour” s’est levé, mais nous n’en savons pas plus que cette nuit sur l’endroit où nous nous trouvons.
Bien sûr, d’après la position du GPS et la carte, il paraîtrait que nous sommes quelque part vers le Sud de la Tasmanie. Mais je ne sais pas. Je me demande plutôt si nous n’avons pas fait en cette nuit de Noël un espèce de voyage bizarre, et si nous n’avons pas été télétransportés au beau milieu des Grands Bancs de Terre Neuve, par un grand jour de calmasse, tellement ça y ressemble. Si je voyais surgir de la brume un gars sur son doris, ou bien Bluenose, fameuse goëlette Terre Neuvas, je ne serais pas plus surpris que ça. Je me dirais juste qu’en plus d’avoir été géographiquement télétransportés, nous avons aussi fait un voyage intertemporel.
Mer et ciel sont totalement confondus. Nous savons que nous sommes toujours probablement sur la Mer, car il y a bien de l’eau juste autour du bateau. Mais si c’était l’eau d’un bassine suspendue dans un nuage, ce serait pareil.
De temps à autre, un petit pet de vent, surgi d’une direction aussi innatendue qu’improbable, nous permet de glisser de quelques mètres. Pour saisir ces rares opportunités, cela suppose d’être constamment aux aguets, afin de pouvoir présenter les voiles du bon côté et ensuite essayer de les régler au mieux pour profiter de ces petoits souffles. En général, au moment où nous avons le réglage parfait, la petite brisette qui est venu nous rendre une visite timide s’évapore à nouveau. Il n’y a plus qu’à attendre la suivante, qui viendra aussi bien dans cinq minutes que dans trois heures.
Difficile de savoir comment sortir de cette “merdasse”. D’une part les fichiers météo sont d’une confusion totale, et d’autre part ce n’est pas avec les quelques mètres à l’heure que nous pouvons faire qu’il y a moyen d’aller chercher du vent là où “théoriquement” il y en a, à plusieurs centaines de kilomètres de l’endroit où nous sommes. En fait il n’y a qu’à attendre, tout en essayant tout de même de faire au mieux pour profiter de chaque petite flatulence que veut bien nous envoyer Eole. Le plus dur est de ne pas penser aux petits camarades qui continuent à avancer, ce qui n’est pas facile. Mais en même temps nous n’allons tout de même pas nous prendre la tête sur des choses contre lesquelles on ne peut rien, surtout que nous savions bien que nous aussi nous allions tomber dans “la merdasse” qui a ralenti Cessna et BSL, et qui nous a permis de leur reprendre un peu de terrrain. Nous avions bien vu aussi que cela allait probablement être pire pour nous que pour eux, mais comme toujours on espère “que ça va s’arranger” et aussi, encore une fois, les courses à la Voile, il vaut mieux être devant que derrière.
La route est encore relativement longue jusqu’au Détroit de Cook. Nous risquons fort d’avoir ou trop de vent ou pas assez, et de même pour les autres bateaux. Alors on verra bien. De toutes façons nous finirons bien par arriver quelque part, nous espérons à Wellington, même si nous ne savons pas très bien où nous sommes pour l’instant.
A bientôt
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