Premiers jours à Charleston

Après un « atterrissage » à Savannah, en Géorgie, nous avons convoyé « Campagne de France » à Charleston, un des joyaux de la Caroline du Sud.

La remise en route de Campagne de France », avec mise à l’eau depuis le cargo Utrillo dans la rivière de Savannah, puis convoyage d’une dizaine de milles au moteur pour rejoindre le chantier Thunderbolt Marine, où nous avons regréer et réarmer le bateau, s’est parfaitement bien déroulée, notament grâce à l’appui de notre ami Philippe Sée.

Philippe est installé dans le Maine depuis le début des années 80. Il a fait parti de la grande aventure des débuts du multicoque aux côtés du génial Walter Greene, architecte et constructeur avant-gardiste que j’ai connu lors de la construction du Trimaran Gauloises 4, en 1979. Philippe avait courru la course Marblehead Halifax avec moi à bord de Custopol en 2008 et c’est avec grand plaisir que nous l’avons retrouvé.

Hormis tout le travail de réarmement et de gréement, le nettoyage du bateau après sa traversée sur l’Utrillo ne fut pas une mince affaire. Il a fallu pas mal d’heures de brossage et une quantité non négligeable d’huile de coude pour redonner un peu de sa superbe à la robe de « Campagne de France », maculée de taches diverses à base de graisses variées et de suies, mais surtout totalement imprégnée de traces de rouille tenaces. Il n’y a pas à dire, c’est à ce demander si l’acier « made in China » n’a tout de même pas tendance à rouiller plus que l’acier « bien de chez nous ». Après avoir hésité longtemps entre l’option de repeindre le bateau couleur rouille ou l’option de tout essayer jusqu’à trouver « le truc qui marche », nous avons finalement opté pour la deuxième solution et « Campagne de France » a retrouvé toutes ses couleurs et son éclat d’origine.

Ensuite, jeudi dernier, nous avons convoyé « Campagne de France » de Savannah à Charleston.

Une centaine de milles, c’est parfait comme petite remise en route, surtout quand on est la plupart du temps sous spi. Quelques empannages, histoire de retrouver ses marques ne font pas de mal non plus et nous ne nous en sommes pas privé. Juste avant la tombée du jour, « Campagne de France » était bien amarré à la City Marina de Charleston, juste à temps pour éviter le désagrément d’un énorme grain, accompagné de pluies dilluviennes. Nous l’avions déjà remarqué à Savannah, ici il fait plutôt beau, mais quand il pleut ce n’est pas pour rire. Ce sont vite des torrents dans les rues et il faut moins de temps pour remplir un seau d’eau de pluie que pour vider une demi pinte de bière, même à plein gosier.

Nous sommes donc à Charleston depuis quelques jours et tout en peaufinons les  divers petits travaux de préparation à l’Atlantic Cup nous découvrons petit à petit cette ville aux maisons attrayantes et très typées « Southern Comfort ».

C’est ici même qu’a commencé la Guerre de Secession, lorsque les forces Confédrées se sont emparées de Fort Sumter, situé à l’entrée de la baie de Charleston. Nous sommes donc sur un site historique, et comme ce n’est pas si courant de pouvoir visiter des sites historiques dans un pays « neuf » comme les Etats Unis, nous avons bien l’intention de profiter de notre escale à Charleston pour en apprendre un peu plus sur l’Histoire de ce pays intéressant à plus d’un titre. Découvrir des nouveaux pays, des cultures étrangères, et aller à la rencontre des Peuples est un des attraits de la Course au Large, tout du moins pour ceux qui savent en prendre le temps.  Contrairement à ce que peuvent penser certains, la Culture n’est pas forcément incompatible avec l’Aventure ou le Sport, et il est donc bien de notre intention de rentrer de notre périple autour du Monde en ayant appris quelque chose et en ayant fait quelques progrès sur la compréhension d’autres civilisations que celles que nous connaisons dans notre vielle Europe.

Arriver dans un port étranger avec un bateau de course a toujours été un bon passeport, car ce type de bateau, qui ne ressemble pas à celui de Monsieur Toulemonde, attise toujours un peu les curiosités.

La première impression que nous avons des Américains que nous croisons est qu’ils sont forts accueillants. Très directs, très sympathiques, avenants, et l’on pourrait même les trouver presque un peu familiers, si nous n’oublions pas bien vite notre vielle réserve d’Européen. En français, le mot « familier » peut même signifier une petite nuance péjorative, sous-entendant que l’approche de l’interlocuteur est plus directe que nos « bonnes manières » ne nous permettraient de l’être. Mais ici c’est comme ça, il faut s’appeler tout de suite par son prénom, échanger une bonne poignée de mains et à partir de ce premier instant on peut se considérer comme étant autorisés à parler de n’importe quel sujet, y compris de ceux pour lesquels il nous faut en France,  et à plus forte raison en Normandie, un certain nombre d’années et une certaine intimité pour les aborder. Même si c’est un peu surprenant, ce n’est pas forcément désagréable, dans la mesure où au moins on ne perd pas de temps à tourner autour du pot. Nous sommes donc parfois un peu surpris de la manière avec laquelle les gens nous abordent, si directement, mais nous nous rendons compte en général que cela part toujours beaucoup plus d’un bon sentiment et d’un besoin viscéral d’aider, que d’une curiosité mal placée. Evidemment, cette familiarité est accentuée du fait qu’en Américain (comme en Anglais, mais Miranda insiste bien sur le fait que ce n’est pas exactement la même langue) la nuance entre le « tu » et le « vous » n’existe pas et que le « you » remplace tout simplement les deux.. Il semblerait que cette amabilité, non surfaite, est en tout cas un des traits reconnus du caractère des « Sudistes ».

Comme tout bon Yachtmen, nos jambes nous ont tout naturellement porté à un moment vers le Yacht Club de Charleston, alors que nous étions à la recherche d’un endroit où nous pourrions nous abreuver, tout en profitant d’une vue sur l’eau et les bateaux. Très bon accueil de Tony, le Commodore du Club, et des autres membres. En apprenant que nous risquions de passer le dimanche Pascal comme des pauvres esseulés, Tony et sa charmante épouse nous ont immédiatement invité à passer le déjeuner de Pâques chez eux, parmi d’autres amis et cinq jeunes étudiants d’une vingtaine d’années, qui font oeuvre de bénévolat en faisant naviguer des « Veterans » blessés ou traumatisés lors de campagnes lointaines. Aux USA, comme en Grande Bretagne, même si tout le monde ne soutient pas forcément une politique extérieure interventionniste et souvent difficilement compréhensible, tout le monde au moins soutient « ses petits gars » et l’opprobe ne s’abat jamais sur les combattants. C’est faire preuve que d’une certaine intelligence lorsque l’on ne confond pas les responsables des guerres et ceux qui en subissent les conséquences… Notre Histoire de France est loin d’être exemplaire à ce sujet et nous pourrions en prendre de la graine… même s’il est trop tard pour rattrapper les attitudes passées.

Donc un très bon dimanche, assez familial et amical. Nous n’avons pas mis bien longtemps pour commencer à rencontrer des Américains et  voir comment ils vivent. Autant il est parfois justifié de se poser certaines questions sur la position des ZetaZunis dans le Monde et il est difficilement compréhensible de voir que la plupart de nos dirigeants européens n’ont pas d’autres ambitions que de servir de chien de garde à l’Amérique, autant il est vraiment difficile de faire  une amalgame avec les Américains en tant qu’individus. Jusqu’à maintenant nous fûmes toujours fort bien accueillis  et nous n’avons pour l’instant rencontré que des gens fort aimables. Les Américains, en tous cas chez eux, sont parfaitement fréquentables et nous nous devons de bien nous en souvenir afin de les recevoir de bonne manière, lorsqu’ils viennent en visiteurs ou en voyageurs chez nous.

Durant cette belle journée de détente, nous avons même eu droit à quelques bonnes anecdotes, assez révélatrices de ce que peut être un pays, avec son cortège de disparités et de diversités. Tony est un ancien de l’US Navy et il nous a raconté certains de ses voyages en Europe. Notamment une longue escale en Grèce de 2 semaines pendant laquelle tout l’équipage était malheureusement consigné à bord. Il faut dire que ce navire battant pavillon américain ne semblait pas particulièrement bien venu, dans la mesure où tous les alentours du port étaient parés de grandes banderolles marquées « Yankees Go Home ». Incompréhension totale à bord dudit  navire. Tout l’équipage, exclusivement originaire de Géorgie, de Virginie, de Caroline du Nord ou du Sud, ne se sentait nullement concerné par ces vindictes qui désiganient des « étrangers » dont on ne pouvait déceler la moindre présence dans les parages… Comme quoi, il n’y a pas un Continent qui peut se permettre de donner des leçons de géopolitique à un autre, et tout est en fait bien plus compliqué qu’il n’y parait… Evidemment, la Guerre Civile américaine est finie depuis bien longtemps et cela fait déjà plus d’un siècle et demi que le « Stars & Stipes » a remplacé le pavillon confédéré sur tous les mâts de pavillons. Tout le monde se veut « All American » et est fier de l’être, et bien heureusement personne d’assez lucide ne peut imaginer l’époque de l’esclavage comme « le bon vieux temps ». Mais il est tout de même intéressant de noter qu’il faut tout de même un sacré paquet de générations avant d’arriver à uniformiser des caractères, même s’il parait relativement aisé aujourd’hui de disséminer une certaine « pensée universelle », grâce notamment à tous les nouveaux moyens de communications. Depuis que nous sommes partis de notre Cotentin, nous n’avons vu qu’un petite partie infime de notre vaste Monde et nous nous sommes régalés des différences d’un pays à l’autre, et même des différences à l’intérieur de chaque pays. C’est ce qui fait l’attrait principal du voyage. Plus on voyage, plus il est difficle de dire que c’est mieux là que là. Tout au plus nous pouvons trouver plus d’affinités à tel ou tel endroit, car c’est plus proche de nos racines, mais avec « les inconvénients en moins ». Chaque pays a ses bonnes et ses mauvaises choses et si le rêve pourrait être de ne prendre que chaque bonne chose de chaque pays pour les mettre ensemble dans un seul pays, celui ci s’apellerait Utopia.

A bientôt

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