Regroupement au pied du podium
Après trois jours d’une folle cavalcade dans les alizés, la flotte des monocoques de 40 pieds connait depuis cette nuit un certain ralentissement lors de la traversée d’une zone d’instabilité. C’est tout naturellement la tête de flotte qui la première a senti les effets d’un vent toujours orienté à l’est nord est, mais allant faiblissant, avec de nombreuses zones de perturbations sous les nuages.
Ainsi qu’en atteste le mot du jour signé Halvard Mabire à bord de Campagne de France, les duos de skippers doivent s’employer pour maintenir cahin caha une progression vers la marque, dans l’attente d’un rétablissement de l’alizé en soirée. SNCF Geodis mené par Fabrice Amédéo et Armel Tripon, venu d’une position plus à l’ouest, a bénéficié cette nuit d’un surplus de pression qui lui a permis pour trois petits milles de monter sur la troisième marche d’un très provisoire podium. L’information de la nuit, au delà des 20 et quelques milles concédés par le leader sur le reste de la flotte, reste le rassemblement de pas moins de 5 bateaux en lutte pour le podium. Au retour de SNCF Geodis, on doit aussi ajouter ERDF de Damien Segujn et Yoann Richomme, au contact de Campagne de France depuis le cap Finisterre, et un redoutable duo peu ralenti cette nuit et qui vient faire connaitre ses ambitions, Tales Santander d’Alex Pella et Pablo Santurde, suivi comme son ombre par le tenant du titre Yannick Bestaven, associé à Aurélien Ducroz sur Watt and Sea. Le vent revenant par l’est, on ne peut s’empêcher de regarder vers Louis Duc et Stéphanie Alran qui commencent à mettre de l’ouest dans leur route, et ce, à bonne vitesse. A 3 400 milles de l’arrivée au Brésil, et avec le spectre du pot au noir déjà dans les pensées, la course des Class40 tient toutes ses promesses de rebondissements et de coups de théâtre…
Le mot d’Halvard…
“Bonjour et bon dimanche.
A bord de Campagne de France nous avançons en sauts de puce, de nuage en nuage.
Les nuages, c’est compliqué! Il y en a des “passables”, des “ralentisseurs” et des “stoppeurs”. En tous cas, nous c’est ce qu’on constate sur l’eau. Évidemment il y a les noms scientifiques, les stratus, cumulus, cumulonimbus, monstronimbus, etc… N’empêche, il y a la théorie sur les nuages et il y a la pratique. La théorie c’est que si vous êtes de tel côté du nuage, que si le nuage est “naissant”, ou en train de crever, il se passe ceci ou cela. Dans la pratique, on subit. On se trouve à tel endroit quand le monstronimbus nous arrive dessus et quand on est dessous, on fait ce que l’on peut pour s’en dépêtrer. Pas fastoche en tous cas.
Lorsque l’on est pris sous un nuage et que l’on est “tanké de chez tanké”, on est persuadé que ce crétin de nuage est là rien que pour nous, et que les autres sont dans du vent clair et avancent à fond la caisse. Le problème c’est que ce n’est souvent pas faux. Heureusement il y a suffisamment de nuages pour que tout le monde soit servi, exceptés peut-être les cocus, qui ont, parait-il, une chance proportionnelle à la longueur de leurs cornes.
En tous cas, on se rend compte que nous sommes vraiment bien peu de chose comparé à ces énormes mouvement de la Nature, qui nous échappent un peu, à vrai dire.
En attendant, il faut bien avancer, et si possible dans la bonne direction. Encore une fois, il y a la théorie qui veut que la sortie ou la bonne direction, soit par là. Mais dans la pratique on est bien obligé, si on veut avancer, de naviguer avec des angles corrects par rapport aux vents erratiques que nous subissons pour nous permettre une progression quelconque. Partant du principe que de toutes façons un con qui avance ira toujours plus loin que 2 intellos en train de tergiverser sur la bonne route théorique à suivre, nous essayons donc de toujours garder le bateau en mouvement, si possible, en choisissant non pas d’aller forcément au cap idéal que nous aimerions faire dans un monde parfait, mais en adaptant notre route à des angles qui nous permettent d’atteindre les meilleures vitesses . Inutile de rappeler qu’un voilier ne marche ni face au vent ni plein vent arrière. Et quand le vent est faible, les “angles morts” deviennent énormes. Tout ça pour dire que souvent nous n’avons pas beaucoup le choix quant à la direction où pointer notre étrave. Notre route ressemble alors à celle d’un chien en divagation, qui passe de poubelle en poubelle, histoire de renifler un petit coup à chaque endroit s’il n’y aurait pas quelque chose d’intéressant. Évidemment je suppose que vous ne voyez pas notre trace exacte, étant donné que notre position n’est transmise qu’à certains moments précis. Donc vous ne voyez que des segments de droite et vous ne pouvez donc pas vous douter que bien souvent, dans le petit temps, nous parcourons en réalité bien plus de milles sur l’eau que le résultat brut que vous constater. Mais cela ne nous avance pas plus pour autant. C’est juste pour vous dire que quand les vents sont instables, ce n’est pas parce qu’on avance pas qu’on ne fait rien.
A bientôt”
CAMPAGNE DE FRANCE – Dans un “Alizé” qui aurait bien besoin d’un peu de Ventoline.