En sens inverse…
Quelle impression bizarre d’être en route inverse de la destination prévue initialement, avec des brises portantes soutenues, soit les conditions espérées pour essayer d’atteindre le Horn…. Nous nous retrouvons en route vers Auckland avec la mer et le vent avec nous, alors que pendant toute la longue préparation de cette Global Ocean Race, une de nos motivations étaient justement de venir jouer avec les vents d’ouest légendaires des 40ème rugissants pour dévaler la houle du Pacifique. Et c’est un mauvais flux d’Est qui règne sur les lieux!
Bien sûr, nous ne sommes pas naïfs au point de croire que l’on peut traverser un Océan avec que des brises portantes permanentes et que l’on ne rencontrera pas des vents contraires à un moment où à un autre. Mais il y a tout de même des limites sur les doses acceptables.
Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond et il doit forcément y a voir une erreur quelque part. Nous avons un peu l’impression d’avoir été abusés par une brochure publicitaire mensongère, où bien d’avoir visité les pavillons témoins les fois où nous avons déjà fait ce parcours (six fois à nous deux, Miranda et moi), car vraiment cela ne ressemble aucunement à ce que nos souvenirs nous laissent.
La Météo, dans son rôle de piqure de rappel permanente aux hommes pour leur montrer combien ils sont impuissants et encore ignares face aux mystères de la nature, est bien la meilleure garante d’humilité face à toutes véléités de prétention. Nous nous sentons tout petits quelque part et c’est donc bien avec un certain respect qu’il faut se lancer dans toute aventure entrainant une confrontation avec la Nature.
Il ne faut pas non plus toujours imputer ses échecs à la faute à la météo, à pas de chance, ou à tout autre prétexte qui peut éventuellement permettre de faire semblant de sauver la face en public. La malchance n’existe pas et le contraire de la chance c’est le risque. Dans toute entreprise il y a un risque d’échec et bien souvent il faut savoir admettre que nous en sommes la cause. Le plus important est de savoir comment les surmonter et en tirer les enseignements pour les entreprises futures. Et c’est bien ce qui nous occuppe la tête en ce moment.
Tout alpiniste n’a pas toujours atteind le sommet visé et tout skipper n’a pas toujours franchi la ligne d’arrivée de l’autre côté de l’Océan. Au-delà des obstacles naturels il a pu y avoir un défaut matériel, souvent du à une mauvaise préparation, ou bien tout simplement l’homme n’a pas été assez fort ce jour là et n’a pas su puiser au plus profond de lui-même les ressources nécessaires pour surmonter ces obstacles. Et des fois aussi, il faut savoir reconnaitre que ce n’est pas le moment, car ce jour là ce sera la Nature qui aura le dessus.
Bien que retirés de la course, nous suivons évidemment, avec admiration, nos courageux camarades qui continuent, vail que vail, leur route vers l’Est. Nous pensons que nous sommes tout de même mieux là où nous sommes. En tous cas, si ce constat est égoïstement vrai pour notre petit confort (mais nous ne nous sommes pas engagés dans la GOR en espérant y trouver du confort!), il est surtout beaucoup plus vrai pour notre Bateau. Campagne de France nous a déjà amené vaillament jusqu’à l’autre bout du Monde et c’est bien avec un bateau entier et en bon état que nous comptons rentrer. Donc de ce côté là nous ne regrettons pas notre décision, sachant à quel point les allures de près sont éprouvantes pour le matériel et les voiles. Nous ne savons pas encore par quel chemin ni comment nous allons finir notre tour du monde, car nous n’avons pas l’intention de nous installer en Nouvelle Zélande, même si c’est un pays formidable et fort accueillant. Quelque part, en sortant (momentanément ou définitivement, il est encore trop tôt pour le savoir) de la course et de son organistation, avec son parcours, ses lieux et dates d’escales prévus, nous avons un peu l’impression de nous lancer dans une nouvelle aventure, tant il y a d’inconnu sur notre nouvelle route. Il va nous falloir surmonter notre immense déception pour faire face aux divers problèmes qui se posent à nous avec cette situation nouvelle, et par définition imprévue. Mais il en est ainsi de la vraie vie en général. Si tout se passait toujours comme prévu il n’y aurait pas de place aux espoirs pour certains, et le monde risquerait de devenir bien ennuyeux.
Nous pensons fort à vous tous qui nous avez soutenu dans cette Aventure et c’est pourquoi nous avons la ferme intention de rebondir d’une façon ou d’une autre, afin de continuer à pouvoir vous faire partager cette entreprise un peu folle de se lancer dans un tour du monde à la Voile sur un petit voilier de 40′. A bientôt donc, car l’histoire du Tour de Monde de Campagne de France ne saurait s’arrêter ainsi.
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