Joyeux anniversaire Halvard

miranda-merron-routedurhum2C’est en pleine Route du Rhum, à un peu plus de 800 milles de Pointe à Pitre qu’Halvard Mabire “prend 58 ans” comme on dit chez nous. Car de célébration, il n’est certainement pas question à bord du Class40 Campagne2France. Halvard est engagé dans le dernier sprint vers l’arrivée, pour mettre un terme à une transat décidément peu marquée par la réussite pour le skipper de Barneville – Carteret. Son avarie de barre dès les premières heures de course ont “plombé” sa transat, l’envoyant au large du Portugal sur une route qui ne cessera d’être pénalisante jusqu’à ces alizés instables, capricieux, loin des rêves de belles glissades sous spi vers l’arc Antillais.

Halvard a retrouvé depuis cette nuit un vent plus régulier pour progresser dans l’ouest. 16ème au classement général provisoire, il peut encore rivaliser jusqu’à la ligne d’arrivée avec au moins trois autres adversaires, pour signer, vendredi peut-être, une performance somme toute parfaitement honorable dans la première partie du tableau d’un groupe qui comptait, rappelons le, 43 unités au départ de Saint Malo. En 20 jours de traversée, il signerait un très acceptable temps de course, à bord d’un Class40 Pogo S3 certes neuf, mais qu’il n’aura pas réellement eu le temps de mettre totalement à sa main.

Miranda Merron sa compagne, à bord du Pogo S2 Campagne de France réalise elle une performance de premier plan. 8ème du général, depuis le départ dans le wagon de tête de cette Route du Rhum, elle n’a vraiment baissé pavillon que devant des voiliers plus puissants de la nouvelle génération, menés par des marins d’exception. Elle a depuis Saint Malo tiré le meilleur d’un voilier certes moins performant, mais qu’elle connait comme sa poche, et qu’elle a mis au point avec l’expertise d’Halvard durant plusieurs saisons.

Fidèle à elle même, Miranda navigue propre, avec un incontestable sens marin, jamais rebutée par l’ouvrage et les incessants changements de voiles imposés par un alizé décidément très taquin. Sa gestion technique du bateau,son approche  stratégique de sa course et l’implication humaine de son quotidien de navigatrice solitaire forcent le respect.

Un final à suspens s’avance avec le contournement de la Guadeloupe qui a si souvent piégé les navigateurs. A moins de 500 milles de l’arrivée, Miranda peut rêver d’une arrivée jeudi matin, pour le thé.


L’Humeur d’Halvard

“Bonjour

Les Terriens qui regardent nos traces à la loupe et qui les décortiquent doivent penser qu’on est complètement bourré. Nos trajectoires sinueuses et nos vitesses moyennes en dents de scie d’un pointage à l’autre sont très révélatrices d’un conduite sous l’emprise de l’alcool, ou autres substances diverses. Et bien non. Pas la peine de souffler dans le ballon, ce sont les grains qui se chargent de souffler dans le spi. Depuis quasiment le lever du jour Campagne 2 France navigue dans des gris, de nuances diverses. Le système nuageux est extrêmement dense, très actif et d’une rare complexité. Résultat, des passages incessants de grains et des variations de vent en force et directions hallucinantes. Pour résumer, plus ou moins 30° pour le vent , ce qui fait des changements de direction de 60° quand même, et entre 12 et 28 nœuds pour la  force du vent.
L’empannage est une manœuvre complexe sur un Class40 quand il y a du vent et de la mer, et on ne peut pas jouer les bascules comme avec un petit dériveur. En plus, les plus grosses variations de directions se font en général sous les grains, c’est à dire au moment où le vent commence à monter brutalement, et c’est plutôt le moment de prendre le guidon pour faire en sorte de ne pas finir au tas, que de se lancer dans des manœuvres délicates.
En plus, empanner pour aller chercher systématiquement le bon bord serait souvent une manœuvre veine. D’une part ce serait pour quelques minutes car il y a pas mal de chance pour que le vent revienne à la direction initiale, et d’autre par en conservant le même bord c’est souvent le meilleur moyen de ne pas aller se coller au cœur de la merdasse. Ainsi, telle la chanson de Renaud, “nous nous en allerons quand le vent soufflera” et j’ajouterais “là où le vent nous poussera”. Bon an mal an, c’est tout de même vers l’Ouest ou vers le sud que le vent soufflera, donc à peu près là où on veut aller.
Alors mieux vaut une route sinueuse plus ou moins dans le bon sens, que soit pas de vent, soit dans la tronche.
Tout ça pour vous dire de pas vous inquiétez, on est assez fatigué, mais si vous voyez nos routes bizarres c’est tout simplement qu’on fait ce qu’on peut avec ce qu’on a.
Rassurez vous, nous n’avons pas fumé les cordages ou bu le bidon de gazole de 10 lites supplémentaires qu’on nous a imposé bêtement, alors qu’on a des réservoirs fixes exprès fait pour ça. Mais il parait que c’est trop compliqué de contrôler à l’arrivée la quantité de gazole qu’il reste dedans … A noter que la plupart des réservoirs sont de forme parallélipédique, à savoir qu’en faisant longueur x largeur x hauteur, on obtient facilement le volume dans un forme aussi simple  (CE1 ou CE2?) et que même certains réservoirs, comme ceux de Campagne 2 France, sont translucides et gradués… Enfin, comme on est en France, il vaut mieux pondre une règle qui rajoutera quelques lignes à un règlement déjà copieux, que de faire preuve d’un peu de sens pratique ou de pragmatisme, ce qui est la même chose, mais peut-être que ça occupe moins de monde. On change pas un pays comme ça… Un grain arrive, j’y retourne.
A bientôt
Campagne 2 France – dans le gris. et aussi dans la pluie de temps en temps – un peu d’eau douce ça fait du bien… au début.” Halvard


Miranda- Campagne de France

“Cap à l’ouest hier toute la journée, à la barre sous grand spinnaker. L’état d ela mer s’est dégradé tout au long de la journée, et les essais de pilote automatique avant le coucher du soleil se sont avérés trop aventureux. J’ai donc envoyé le gennaker qui encaisse mieux les grandes variations de trajectoire, quand les vague soulèvent l’arrière du bateau.
Il y a des passages de grains avec 30 nœuds de vent et plus. Le gennaker encaisse, du moins pour l’instant.
Ainsi libérée de la barre me permet de me laver un peu, un luxe sur ce bateau, car quand l’hydrogénérateur est en position pour charger les batteries, le désalinisateur se met en route, ce qui m’offre de l’eau pure pour me laver, au lieu du lavage à l’eau de mer suivie d’un rinçage avec une demi bouteille d’eau minérale.
Ce petit luxe fut suivi d’une bonne tasse de thé, accompagnée d’un des délicieux gâteaux de Noël préparé par ma maman.
En milieu de nuit, il y a eu une grosse bascule du vent. J’ai attendu pour voir si cela allait durer ou si j’allais devoir retourner à mon occupation favorite de ces derniers jours, l’empannage!
Miranda/ Campagne de France

 

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