La Béchamel selon Halvard

Miranda-et-HalvardLes 24 dernières heures auront été particulièrement cruelles pour les deux navigateurs aux couleurs de Campagne de France. Halvard, (Campagne2France) ainsi qu’il le décrit plus bas, est tombé “dans un pot de pus” aux allures de pot au noir, avec des vents erratiques en force comme en direction, et une mer désordonnée à souhait. Dans le même temps, sa compagne Miranda Merron (Campagne de France), perdait elle aussi de précieux milles dans un marasme météorologique assez dantesque, quand le vent en l’espace de quelques minutes change brutalement en force comme en direction, rendant impossible l’établissement d’un plan de voilure adapté. Le couple de Barneville-Carteret a donc toute la nuit vu ses adversaires s’échapper, tandis qu’il puisait dans ses réserves d’énergie et de sommeil pour maintenir un semblant de progression vers la marque. C’est peut-être là le point positif de cette infernale journée ; l’arrivée n’est plus qu’à environ 900 milles pour Miranda, et 1 200 pour Halvard.

“Bonsoir
Encore une fois j’ai l’impression d’être tombé dans une béchamel infernale. Bien placé entre Teamwork et mes 2 poursuivants Picoty et l’Express, je me suis pris un grain épouvantable et j’ai perdu de vue mes poursuivants qui étaient à 3 milles derrière. Maintenant je me retrouve encore une fois sur une route parallèle au bateau juste devant moi, Teamwork, mais ma vitesse est 2 nœuds moins vite et mon cap 20° moins bon. Impossible d’empanner, sinon je repars en marche arrière.

Voyant le merdier dans lequel j’étais, mes poursuivants étant assez loin derrière pour voir ce qui se passait ont évidemment empanné.  Ce que je ne pouvais pas faire étant donné que j’étais déjà pris dans la nasse.
Mais le plus surprenant, c’est que j’ai entre 1 nœud et 1noeud et demi de courant dans la gueule! Non seulement cela explique la grosse différence de vitesse, mais surtout le courant étant contre le vent, cela lève une mer pas possible, un peu comme dans le Raz Blanchard, toutes proportions gardées bien évidemment. Mais du coup le bateau est tellement secoué, que les voiles ne portent pas, ce qui est encore un élément peu favorable à la vitesse, mais on peut à peine se tenir debout dans le bateau ou le cockpit tellement ça remue.Franchement rencontrer des courants pareils au large, c’est pas banal. Un courant de 1,5noeud qui porte au Nord Est? J’espère que cela ne va pas durer et que je vais pouvoir sortir de cette veine (ou plutôt cette déveine) de courant assez vite car cela n’arrange pas mes affaires, qui sont pourtant pas brillantes ces temps ci.
Étonnant. Je ne sais pas si Teamwork, qui a ouvert cette route juste devant moi a eu la même chose? En tous cas, comme d’habitude le bateau devant prend bien soin de fermer la porte derrière lui et de jeter la clef à la volée. C’est vraiment une sale manie dans cette Route du Rhum. Une certaine goujaterie.

En tous cas, je trouve que la Route vers Pointe à Pitre est décidément bien compliquée et je trouve que j’ai un peu toujours tendance à me trouver au mauvais endroit au mauvais  moment. Si l’on s’en réfère aux statistiques, j’aurais tendance à miser plutôt sur l’incompétence que sur  la malchance, étant donnée qu’elle revient un peu trop sur le tapis celle là. Évidemment ceux qui sont dans leur canapé suite à un abandon, sont encore plus que moi au mauvais endroit, mais comme consolation, on fait mieux.

En attendant il serait temps que ça s’arrête ces coups pourris, car franchement, ça gâche le voyage. Mais au point où j’en suis, on n’est plus à ça près… et pendant que je tape sur le clavier, il tombe des cordes et le vent se casse gentiment, mais surement, la figure. Ça promet. Trouvez moi le Tour Operator. Je vous passe mes coordonnées 22N et 40°45’W. Notez les bien, c’est le trou du cul du monde. En tous cas pour l’instant. Une chance, ça pue pas (pas encore, il ne manquerait plus que ça…). Bon je crois que je suis parti pour bivouaquer ici cette nuit, car le vent s’est cassé la figure et le peu qu’il y a est de toutes les directions. Si ça pue pas, ça sent pas bon en tous cas. Me voilà pris comme un tacot dans la vase.

Demain il fera jour et je vais regarder maintenant qui est derrière pour me rattraper et avec qui je vais pouvoir jouer. Normalement on a un arrangement avec Brieuc (Groupement Flo) et on doit finir au contact sur la Guadeloupe. Je le fait pas exprès, mais passez lui bien le message que je fais tout ce qu’il faut pour l’attendre. Par contre il ne faut pas qu’il me double trop longtemps avant la Guadeloupe, sinon je vais avoir du mal.
Bon à plus tard
Campagne 2 France – dans le noir.

Maintenant que le jour commence à se lever, je peux visualiser la “merdasse” où j’ai été englué toute la nuit. Monstrueuse, abominnaffreuse. Sur plusieurs milles, une vaste zone gris foncé à très foncé, avec une activité nuageuse intense, le tout surplombé par des monstruonimbus. Bref le vrai pot de pus. De nuit en plus pas moyen de voir une sortie quelconque. Résultat, le passage à la caisse est sévère. encore plus de 30 milles perdus cette nuit et en plus, si je ne veux pas retourner dans cette merdasse il va falloir que je fasse tout le tour de la paroisse.
Une vraie déviation façon DDE, où ils vous font faire des km de détours abscons, alors que la route est barrée sur seulement 200m et qu’en plus, ça aurait pu rouler dessus tout le weekend, vu que personne ne bossait, mais il aurait fallu enlever les panneaux et les remettre le lundi matin, donc trop de travail.
Bref, me voici sur le mauvais bord, histoire de e rapprocher encore plus lentement du but et d’attendre un  peu ceux de derrière, mais ça aura bien été la marque de fabrique pour moi de ce Rhum 2014 : jamais là où il faut quand il faut. Bon, je retourne sur le pont pour faire avancer le bourrier, déjà que l’on ne va pas très vite et pas dans la bonne direction, ce n’est pas la peine d’en rajouter.

Campagne 2 France, juste à gauche du grand merdier au milieu de l’Atlantique.

Miranda, Campagne de France
“Après un bref répit hier matin, l’après midi a vu poindre un énorme système qui sétend sur de centaines de milles. Campagne de France progressait dans 20 noeuds de vent sous un grand ciel bleu. Puis soudain, le vent a disparu.Loin à mon vent, un énorme et monstrueux grain dévorait tout sur son passage, aspirant tout l’air environnant. Jer ne pouvais pas l’éviter en empannant, j’ai donc attendu. Il est finalement arrivé sur moi, emmenant avec luidurant une bonne heure et demi de quoi avancer à toute vitrtesse vers l’arrivée. Il y avait d’autres monstres aux alentours, et le bateau se trouvait idéalement placé pour une belle descente tout de suite après la pétole. Puis la pluie est arrivée. Inutile d préciser que ma cavalcade s’est arrêtée, et que le vent a de nouveau disparu. Les miles gagnés presque aussitôt perdus. la nuit dernière s’est passée sans le moindre grain. Mais j’ai l’impression de naviguer à l’envers, à chaque fois sur le mauvais bord. Chaque fois que j’empanne, après avoir attendu pour être certaine que c’était la meilleure chose à faire, tout va bien durant 20 minutes après ma manoeuvre, puis le vent disparait. Très énervant! Empanner prend beaucoup de temps et d’énergie, et on a toujours l’impression qu’il y a 20 nœuds de vent sur le pont quand il faut affaler le spi à la main. Halvard m’avait proposé il y a quelques mois d’installer un winch sur le mât ou des écoutes suffisamment longues pour être mises sur les winches du cockpit. J’avais dit non… Hmmmm!

Miranda/ Campagne de France

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