Après la voile … le cargo !
Voici bien longtemps que vous n’avez pas reçu de nos nouvelles. Ce n’est pourtant pas qu’il ne se passait rien, mais notre retour imprévu sur la Nouvelle Zélande et l’organisation de la suite des évènements nous ont totalement absorbés.
Aussi, la suite de notre programme n’étant essentiellement qu’un ensemble d’incertitudes, il nous était bien difficile de pouvoir vous dire vers quelles nouvelles aventures nous allions nous engager avec Campagne de France.
Nous reviendrons sur cette escale prolongée en Nouvelle Zélande, car elle fut si riche en rencontres et découvertes qu’elle a largement contribué à atténuer notre déception de nous être retirés de la 3eme étape de la GOR.
Nous nous étions engagés dans la Global Océan Race pour l’intérêt de la compétition, mais aussi pour faire un tour du Monde et pour partir à la découverte d’autres pays et aller à la rencontre d’autres cultures et d’autres personnes. De ce point de vue, notre changement de programme inopiné ne fut que bénéfique.
La première préoccupation fut de trouver le meilleur moyen de rejoindre l’océan Atlantique avec Campagne de France.
A un moment nous avions espéré que les Fields essayeraient de rejoindre Punta del Este à la Voile, auquel cas nous aurions fait le convoyage de conserve, sans contrainte de parcours cette fois. Mais leur décision de se retirer définitivement de la course et la saison favorable au passage du Horn s’estompant, cette hypothèse fut abandonnée. Restait la possibilité de convoyer “Campagne de France” à la Voile en passant par le canal de Panama, ou bien de trouver une solution de chargement sur cargo, afin de préserver d’une très longue navigation nos voiles et le matériel en général et sauvegarder ainsi autant que faire se peut le potentiel de compétitivité de Campagne de France pour finir la saison 2012.
Grâce à l’efficacité d’ANL, filiale néo-zélandaise de CMA/CGM, nous avons pu avancer sur la solution cargo, et dans un contexte budgétaire qui nous permettait d’envisager cette solution comme “possible”. Il fut ainsi décidé que nous pourrions charger “Campagne de France” sur le porte-containers “CMA-CGM Utrillo” à Tauranga, destination de Savannah, sur la côte est des Etats-Unis d’Amérique.
Mais avant de pouvoir embarquer Campagne de France, il nous restait encore quelques petits détails à régler. A commencer par fabriquer un ber métallique, suffisamment solide et parfaitement adapté à la forme du bateau, sur lequel allait pouvoir être posé Campagne de France sur le cargo. En plus du prix du “shipping” nous devions gérer au mieux tous les coûts annexes, afin de ne pas exploser le budget et pouvoir réaliser l’opération. Les premiers devis obtenus pour la réalisation du ber nous ayant laissé assis, nous pensions que l’opération devenait inabordable.
Mais devant les situations impossibles, il est bien difficile d’admettre qu’il n’y a pas de solution et de la difficulté naît souvent les bonnes idées.
Un ber est essentiellement une structure quadrangulaire métallique, capable de porter au moins le poids du bateau (même si par sécurité, la quille repose au sol et allège ainsi la charge sur le ber), et sur cette structure vient s’adapter des conformateurs qui épousent parfaitement la forme de la coque aux endroits où elle repose dessus, afin de ne pas risquer une déformation du bord.
“Structure quadrangulaire” quelques milliers de dollars NZ, pour fabriquer cela, et dans l’urgence qui plus est !
A force de traîner sur les ports de commerce, on finit nécessairement par s’intéresser à tout ce qui y séjourne et c’est en voyant les montagnes de containers empilés les uns sur les autres que l’on se rend compte que le container du bas supporte une charge qui est moult fois supérieure au faible poids de Campagne de France.
Et un container de 20 tonnes est de dimensions extérieures identiques à celles d’un ber de Class40. Voilà donc un ber tout trouvé ! Il nous suffit alors de racheter un container de 20 tonnes en fin de vie, de faire un trou dans le toit pour passer la quille et l’arbre d’hélice, et de poser des conformateurs adaptés dessus pour résoudre le problème du ber. La solution est retenue avec l’accord et l’enthousiasme de tous nos partenaires néo-zélandais, ce qui nous permet de solutionner le problème du ber dans les temps impartis, et pour un coût raisonnable. Qui plus est, un tel ber est facilement manipulable sur un port de commerce, avec les engins de manutentions adaptés aux containers, les conformateurs sur lesquels repose la coque étant montables ou démontables en quelques minutes.
Pour réaliser les conformateurs, j’ai fourni les fichiers numériques nécessaires à la découpe des couples en contre-plaqué et nous avons pu les construire avec la précieuse collaboration du Chantier Pachoud, à Tauranga.
Le chantier Pachoud a des compétences multiples et Steve Clark, le responsable technique du chantier, est aussi efficace que sympathique. Son aide durant tout notre séjour à Tauranga fut plus que précieuse. C’est dans ce chantier que fut notamment construit le bateau de Jean Pierre Dick, dessiné par le talentueux Guillaume Verdier.
En voisin de chantier nous avons eu le plaisir de retrouver Laurent Bourgnon, qui entamait là un refit complet de son catamaran à moteur de croisière futuriste et très grand !
Campagne de France a finalement été chargé sur le porte-containers CMA/CGM UTRILLO dimanche dernier à Tauranga. La manoeuvre s’est fort bien passée et ce fut un grand soulagement quand le bateau a été arrimé définitivement sur son ber sur le pont arrière, bien abrité de chaque cote par des piles de containers. Même si nous n’avons rencontré que des interlocuteurs compétents, enthousiastes et toujours prêts à faire le maximum pour que cette délicate opération se passe au mieux, toutes les journées précédant l’embarquement furent tout de même très stressantes.
Pour dire vrai, la technique, on s’en sort toujours, la paperasse, il en manque toujours !
Il faut toujours courir après un formulaire oublié, au code énigmatique, requis par les Douanes, ou autres officines diverses oeuvrant en amont ou en aval et vivant grassement de la complexité du système. Sur ces formulaires, la plupart du temps, y sont posées des questions auxquelles aucune réponse proposée ne correspond à notre cas. Si l’on veut mettre les bonnes réponses, ça dépasse des cases le plus souvent, alors il faut soit écrire tout petit, soit ne mettre que la moitié de la réponse. Le résultat recherché étant visiblement que ce soit rempli, plutôt que lisible ou compréhensible, nous finissons donc toujours par arriver à nous acquitter de nos devoirs et les maîtres à qui nous les rendons semblent satisfaits de notre travail lorsqu’ils les regardent, bien attentivement pourtant…
Mieux vaut ne pas penser à tous les hectares de forêts qui disparaissent chaque jour, sacrifiés sur l’autel des bureaucraties diverses. Le papier ne refusant pas l’encre, on se demande parfois si les ordinateurs n’ont pas été inventés uniquement pour y mettre des imprimantes derrière et vendre de l’encre? Le plus grand mystère restant de savoir ou peuvent bien finir ces tonnes de papiers qui circulent et qui les lit vraiment au final. En tous cas, ça occupe du monde, ça prend du temps et ça bouffe de l’énergie. Si le but est d’occuper les gens, sans pour autant produire quelque chose d’utile, il est parfaitement atteint. Bref, les journées précédant l’embarquement furent longues et fort remplies.
Mais le plus important est que fin mars/début avril, Campagne de France retrouvera les eaux Atlantiques et après quelques jours de préparation à Savannah, il sera opérationnel pour pouvoir recourir à nouveau.
Et nous dans tout ça ? Et bien nous sommes en Mer ! En toute dernière minute, il nous a été donné la possibilité d’embarquer sur l’Utrillo en même temps que Campagne de France. Chance inespérée et bien sûr nous allons vous faire partager autant que faire se peut cette aventure. Comme nous ne vous envoyons pas ces mails depuis Campagne de France mais depuis les moyens de communication du cargo, il faut que nous attendions leur disponibilité. Donc nous ne pouvons pas vous promettre un rythme régulier de nouvelles, mais après notre (trop) long silence il était important que vous sachiez tous que notre tour du Monde continue, certes d’une façon bien différente de celle prévue au départ, mais en tous cas c’est par la Mer que nous revenons des Antipodes.
A bientôt
Halvard & Miranda / Pacifique Sud à bord de l’Utrillo
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