La flotte scindée en deux

Poppy-600x800C’est aujourd’hui très clair, la flotte des 32 Class40 encore en lice (11 abandons) est désormais divisée en deux groupes distincts. Miranda Merron et son Campagne de France naviguent au sein du groupe de tête qui compte 11 bateaux regroupés sur 300 milles en longitude. Halvard Mabire emmène le reste de la flotte, accompagné comme son ombre par Jean Christophe Caso (Picoty-Lac de Vaissières) quelques 130 milles dans le nord du groupe de Miranda. Les classements calculés par rapport à la route directe, située loin dans l’ouest, font de manière trompeuse apparaitre Halvard et JC à la lutte pour la 10e place, classement un poil flatteur au regard de la réalité sur le plan d’eau.

Miranda poursuit avec une véritable délectation son petit bonhomme de chemin, multipliant les empannages pour se rapprocher sur une trajectoire “en escalier” de Pointe à Pitre dans un alizé semble-t-il désormais bien établi malgré les nombreux grains. Elle est passée sous la barre des 2 000 milles restant à parcourir et les premières estimations voient arriver les leader de ce groupe dans une dizaine de jours.

Halvard a ainsi vu avec une certaine exaspération l’anticyclone des Açores le retenir dans ses griffes, et l’empêcher de combler le trou entre son Campagne2France et le groupe de tête. Il se retrouve, en compagnie de son ami JC Caso, à ouvrir la voie pour tout le reste des concurrents que les zones de hautes pression ont beaucoup moins ralenti. “On voudrait que la course continue jusqu’à Panama pour avoir une chance de se refaire” explique-t-il avec bonne humeur. “Plus la route est longue, et plus la roue de la fortune a de chances de tourner…” Et de louer avec une partialité bien compréhensible la belle course de Miranda ; “Elle connait son Campagne de France par cœur et l’utilise à merveille. Je ne suis pas du tout surpris de la voir en si belle position.

Miranda du 11 novembre

“Mon coquelicot orne ma table à carte (Symbole des morts de la Grande Guerre dans le Royaume Uni). Geodis a croisé devant moi. C’est la seconde fois en quelques heures. J’espère qu’il va pousser son bord un peu plus loin. Je voudrai égoïstement avoir l’océan pour moi toute seule aujourd’hui. Je navigue sous de gros nuages noirs en ce moment. Lorsque j’ai voulu empanner, il y a eu un grain monstrueux qui m’est tombé dessus. Il faut dans ces moments penser à préserve le bateau, aux dépends de la route. Moins de 2 000 milles avant Pointe à Pitre!”

Miranda/ Campagne de France


Le mot d’Halvard

Bonsoir,
48 heures plus que pénibles sur Campagne2France, heureusement partagées avec mon Compagnon d’infortune Jean Christophe Cazeau sur Picoty.

Sentiment d’impuissance et de frustration que de se voir coincés -bloqués dans une zone merdique entre 2 systèmes de vents, ayant pour conséquence de ne pouvoir aller où l’on veut et de subir une trajectoire erratique sur le bord que l’on estime “le moins pire”, l’autre nous éloignant à grande vitesse du but. JC appelle ça “être coincé dans un placard” dans lequel on ne peut pas bouger et en plus en étant dans une position inconfortable au possible. Moi j’ajouterais que le placard il doit être à roulettes, ayant la désagréable impression que le pot de pue se déplace exactement avec nous. En soit, ce ne serait pas dramatique, étant donné que c’est le lot de la navigation à voile que d’être dépendant des conditions météo. Mais lorsque l’on s’aperçoit que la porte s’est fermée sous notre nez à 3 heures près et que du coup ceux de devant s’échappent inexorablement, embarqués dans un train dont nous sommes tombés en marche et que nous avons donc loupé définitivement, et qu’en plus ceux de derrière bénéficie d’un système clair, qui les fait fondre sur nous telle la vermine sur le bas clergé breton, ce n’est pas facile à vivre côté course.

Mais le pire c’est qu’en plus on se donne du mal, avec empannages divers dans des vents variables, changements de spi car en plus d’avoir une direction sinueuse le vent est aussi d’une force très variable, avec des rafales à 24 nœuds qui suivent des molles interminables à 8-12 nœuds. Bref beaucoup de manœuvres, de sueur et tout ça pour rien de bien gratifiant. Surtout quand on sait que derrière ils sont tranquilles sur le même bord et probablement sous la même voilure, et qu’ils gagnent des milles aisément sur nous sans effort particulier.
Depuis 2 jours donc j’ausculte soigneusement mon tableau arrière pour voir où pourrait bien être accroché ce satané élastique, qui s’est tendu lorsque L’Express (Pierre Yves Lautrou) s’est arrêté et qui maintenant lui permet de revenir à un train que le nom du bateau prédestine. Impossible de le trouver cet élastique. Sinon j’y mettrais bien un coup de couteau, moi.

Nous allons donc tous nous retrouver pour un nouveau départ de la Ligue 2 de le Route du Rhum. La ligue 1 semble maintenant bien inaccessible. L’intérêt en Class40 c’est que nous sommes nombreux et que le niveau est homogène, donc la régate est intéressante quel que soit le niveau où l’on se situe dans la flotte. N’empêche, c’est quand même plus marrant quand on se bat pour les premières places que pour la 13ème. Le pire c’est que les écart avec la tête de flotte sont inimaginables. C’est en nombre de jours que cela va se compter, sauf improbable coup de Jarnac, et non en nombre de minutes ou même heures, comme on pouvait s’y attendre étant donné l’homogénéité de la flotte. Vu de loin, tout le monde doit vraiment se demander ce qu’on fout, à aller à faible vitesse n’importe où.

Heureusement que nous sommes deux, car si l’on racontait ce que nous subissons, personne ne le croirait et l’on pourrait penser que soit on s’est endormi, soit on a abusé sur l’alcool lyophilisé, ou bien même on a fumé les cordages du bateau, à défaut de moquette. Et bien non, nous sommes dans un placard et chacun pourra témoigner pour l’autre, en glissant un petit billet sous la porte et en espérant que quelqu’un qui passe par là le ramasse et puisse prévenir quelqu’un de venir ouvrir la porte… et aussi en profiter pendant qu’il est là pour trouver ce maudit élastique et aller jouer ailleurs avec, sous un pont ou une grue par exemple. En tous cas, depuis la terre, cela rameute un peu de monde en Ligue 2 et si vous ne vous lassez pas, le championnat va durer beaucoup plus longtemps qu’en ligue 1.
A bientôt

Campagne2France, à quelques mètres de Picoty.

 

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